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La France et l'Allemagne s'associent pour concevoir leur futur avion de combat

La France et l'Allemagne s'associent pour concevoir leur futur avion de combat

© Airbus - Concept du SCAF, présenté par Airbus Group.

© Airbus - Concept du SCAF, présenté par Airbus Group.

A l'occasion du salon aéronautique ILA de Berlin, qui s'est tenu du 24 au 29 avril 2018, la France, via la Ministre des Armées Florence Parly, et l'Allemagne, avec la Ministre de la Défense Ursula von der Leyen, ont officiellement signé un accord de principe concernant le développement du futur avion de combat franco-allemand, appelé SCAF (Système de combat aérien futur).

En effet, dans un communiqué de presse conjoint publié le 25 avril 2018, l'avionneur français Dassault Aviation et l'industriel européen Airbus Group ont annoncé qu'ils allaient « unir leurs forces pour assurer le développement et la production du Système de Combat Aérien Futur (SCAF), en anglais Future Combat Air System (FCAS), amené à compléter puis à remplacer les Eurofighter et les Rafale actuellement en service, entre 2035 et 2040 ».

Cet accord est considéré comme un « un accord industriel historique qui permettra de garantir la souveraineté et le leadership technologique de l’Europe dans le secteur de l’aviation militaire », affirment les avionneurs. Par ailleurs, il est aussi précisé de la part d'Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, que les deux entreprises « s’engagent à travailler ensemble de façon pragmatique et efficace » afin de pouvoir proposer un démonstrateur à partir de 2025.

Le lendemain, le 26 avril, le général André Lanata, Chef d'état-major de l'armée de l'Air et le général allemand Bühler, Director General for Planning, ont de leur côté signé le HL CORD (High Level Common Requirement), un document qui fixe les besoins opérationnels pour les forces armées françaises et allemandes. Mais derrière ces déclarations politiques et industrielles, en quoi consiste le SCAF ?

Si le SCAF doit remplacer, à terme, la famille des Mirage 2000 et les Rafale Air et Marine en France, et les Eurofighter Typhoon et Tornado en Allemagne, le SCAF est bien plus qu'un avion de combat en lui-même. En effet, il s'inscrit dans un projet plus global qui doit s'articuler « autour d’une composante pilotée, de missiles, de drones fortement connectés aptes à agir soit en autonomie, soit au sein d’un système de systèmes ».

Avec la signature du HL CORD, Paris et Berlin ont exprimé chacun leurs propres besoins militaires afin de les prendre en compte lors de la conception de l'avion de combat. D'après le Ministère français des Armées, le SCAF, dans l'objectif de remplacer plusieurs types d'avions de combat, « devra donc être polyvalent et flexible d’emploi », avec par exemple la conduite de plusieurs types de missions (air-air et air-surface), ou l'obligation d'être « navalisable », c'est-à-dire de pouvoir embarquer sur porte-avions.

Par ailleurs, avec l'évolution des menaces et l'arrivée de nouvelles technologies, le SCAF devra avoir une survavibilité qui doit lui « permettre de faire face à l’ensemble des menaces futures ». En outre, on sait aussi qu'il « devra disposer de capacités de supériorité aérienne face aux menaces aériennes futures, et qu'il devra être capable d’engager l’ensemble des cibles d’intérêt pour les opérations air surface ».

La conduite d'opérations au sein de coalition européenne, multinationale ou internationale impliquera aussi de concevoir un « système aérien interopérable avec les moyens OTAN et UE dans un cadre d’opérations offensives et défensives ». Toujours en terme d'échange de données, l'aérone devra avoir « un besoin accru de connectivité et la capacité de fusion de données temps réel ».

Enfin, il est précisé que « le SCAF doit pouvoir agir en environnement aérien contesté et engager tous les types de systèmes de défense aérienne ». Il n'est toutefois pas fait question de l'emport et de l'utilisation d'un missile nucléaire, dans le cadre de la dissuasion nucléaire française. Celle-ci doit d'ailleurs se moderniser dans les années à venir avec le développement d'un missile nucléaire supersonique, appelé à ce stade ASN4G.

© Airbus - Les capacités du SCAF, notamment en terme de communication, d'échange et de transfert de données. On notera l'absence du Rafale dans cette infographie.

© Airbus - Les capacités du SCAF, notamment en terme de communication, d'échange et de transfert de données. On notera l'absence du Rafale dans cette infographie.

Si les besoins sont nombreux et les bases aujourd'hui posées, il reste encore des sujets délicats, dont la question de l'avionneur qui sera maître d'oeuvre, le transfert de technologie, la place des industriels et sous-traitants français et allemands, ainsi que l'accord et les études débutées avec le Royaume-Uni.

Concernant le premier sujet, c'est le français Dassault Aviation qui aura le leadership sur ce programme SCAF. En effet, lors du salon ILA Berlin, Ursula von der Leyen a indiqué que la France sera maître d'oeuvre de l'appareil tandis que c'est Airbus qui dirigera le programme drone MALE européen. Pour rappel, lors d'une audition devant les députés de la Commission de la Défense nationale et des forces armées en février 2018, Eric Trappier a déclaré que « Dassault a un rôle d'architecte à tenir puisqu'il est certainement celui qui a le plus de compétences en Europe dans ce domaine particulier des avions de combat ».

Le seul avion de combat qu'Airbus a récemment produit est l'Eurofighter, en coopération avec BAE Systems et Leonardo. Si le Typhoon est capable aujourd'hui de mener plusieurs types de missions, son développement a été retardé à plusieurs reprises, avec des dépassements de coûts importants et des capacités qui restent encore aujourd'hui limitées dans certains domaines (frappes longue distance, etc…).

La conception d'un avion de combat entre deux ou plusieurs pays implique de faire des choix quant à la place des industriels, pour savoir qui fait quoi, et notamment en matière de transfert de technologie, qui peut être bénéfique pour un pays mais pas pour l'autre. Dans ce contexte, le Ministère des Armées affirme seulement que « notre objectif est que collectivement nous montions tous en gamme. Mais l'idée est de construire un programme en capitalisant sur les compétences existantes ». Il faudra également désigner quels industriels développent les différents équipements (moteurs, armement, nacelle, avionique, ordinateur de bord, etc…).

Mais dans cette nouvelle histoire franco-allemande, il ne faut pas non plus oublier les britanniques, avec qui Paris avait déjà entamé des discussions et un programme de recherches dès 2014, avant le Brexit, concernant la mise au point d'un drone de combat. A cette époque, Dassault Aviation, Safran et Thales étaient alors respectivement en discussions avec BAE Systems, Rolls Royce et Selex.

Aujourd'hui, les échangent semblent compliqués et ralentis avec les ingénieurs londoniens puisqu'ils ne souhaitent plus un drone de combat mais juste un drone de reconnaissance. Or, à Paris, ce changement n'est pas envisageable puisque la France, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie vont développer leur propre drone MALE d'observation et de reconnaissance.

Dans ce contexte, il faudra poursuivre les discussions et les négociations avec Londres, quitte à l'engager dans le projet SCAF une fois les structures franco-allemandes solidement ancrées… au risque de le voir se tourner encore une fois vers Washington et ses industriels qui s'ancreront encore un peu plus en Europe.

A ce sujet, Eric Trappier a d'ailleurs expliqué qu'il est « convaincu que seules des solutions européennes indépendantes sont en mesure de garantir la souveraineté et l’autonomie stratégique de l’Europe. La vision que la France et l’Allemagne se sont donnée avec le SCAF est ambitieuse et constitue un signal fort en Europe et pour l’Europe. Le programme SCAF renforcera les liens politiques et militaires entre les principaux États européens, tout en dynamisant son industrie aérospatiale ».