Photo : © JL. Brunet / Armée de l'Air - Pilotes de chasse français aux côtés de pilotes de chasse indiens lors de l'exercice Garuda V.
"C'est très difficile de négocier un contrat, que ce soit pour le Rafale ou un autre matériel", disait le Président de la République hier Mardi 14 Avril lors d'un déplacement à Figeac, afin de visiter une usine française.
Cette difficulté, elle est bien vraie, et elle l'est pour tout le monde : pour Dassault Aviation et les 500 petites et moyennes entreprises (PME) françaises qui travaillent grâce au programme Rafale, pour les représentants de l'état français et indien qui négocient les petites lignes du contrat MMRCA, ainsi que pour les entreprises indiens qui auront (qui auraient eu ?) à charge d'assembler les Rafale.
Pourquoi "qui auraient eu" ? Parce que depuis la signature du contrat portant sur la livraison de trente-six Rafale à l'Inde, plusieurs signes portent à croire que le contrat initial MMRCA (Medium Multi-Role Combat Aircraft) est en mauvaise posture...
En effet, Lundi 13 Avril, le porte-paroles du Ministère indien de la Défense a déclaré, via plusieurs tweets sur son compte Twitter que "les 36 Rafale qui vont être acquis prêts à voler font l’objet d’une négociation de gouvernement à gouvernement distincte". Ça, on ne l'apprend pas. Mais la déclaration qui est troublante et qui pose des questions vient dans un second tweet, où le porte-paroles indique que "le processus de gouvernement à gouvernement est préférable à la voie de l’appel d’offres pour l’acquisition de plateformes stratégiques", avant d'ajouter que "les négociations dans le cadre de l’actuel appel d’offres tournent en rond sans solution en vue". Ça, on l'apprend.
Ces sous-entendus, qui visent à faire penser que le contrat MMRCA est en passe d'être annulé, ont aussi été proférés par Manohar Parrikar, le Ministre indien de la Défense. Devant des journalistes, le Ministre a utilisé une métaphore d'une voiture qui doit choisir entre deux chemins : "une voiture ne peut pas voyager sur deux routes différentes". Autrement dit, soit l'Inde continue à négocier le transfert de technologie avec la France pour produire ses propres Rafale, et sauver le "Make in India", si cher au Premier Ministre indien Narendra Modi, ou alors, l'Inde passe commande de plusieurs contrats avec la France. Et visiblement, c'est la seconde option qui a été choisi.
Alors que les dernières nouvelles semblaient plutôt bonnes dans le cadre des échanges entre Paris et Delhi, le Ministre indien de la Défense a qualifié la situation actuelle avec des mots assez durs, affirmant qu'ils étaient "en pleine confusion et chaos", avec des discussions enfermées dans un "vortex".
Bien que rien ne soit encore officiel, si cette solution est adoptée par l'Inde et acceptée par la France, les négociations pour les prochains contrats, car il ne peut y en avoir qu'un seul, seront sans doute différentes de ce premier contrat. Il ne peut y avoir qu'un seul contrat car avec l'achat de trente-six Rafale, la Force Aérienne ne peut créer que deux escadrons, et l'entretien d'un si petit nombre (une "micro-flotte") serait trop coûteux pour l'Inde.
Dans ce premier contrat donc, l'achat des trente-six Rafale, dont le premier devrait être livré dans deux ans, se fait "sur étagère". En effet, la Force Aérienne Indienne a un "besoin opérationnel crucial" de ces Rafale car elle doit moderniser et rajeunir sa flotte d'avions de combat. Si on prend en compte les besoins opérationnels de l'Inde (protection de son espace aérien, de ses frontières, avec de premier rang dans la région face au Pakistan et à la Chine), elle devrait, selon ses standards, compter au moins quarante-deux escadrons, composés de dix-huit appareils chacun. Cependant, elle n’en dispose actuellement que de trente-deux à trente-quatre.
Les Mig-21 "Fishbed", bien que certains aient subi une importante modernisation, ainsi que les Mig-27 "Flogger", avions spécialisés dans les attaques au sol, commencent sérieusement à vieillir, et la disponibilité devient de plus en plus critique.
Par ailleurs, les Su-30MKI indiens, assemblés par Hindustan Aeronautics (HAL), sont aussi victimes de nombreux défauts, et sont régulièrement cloués au sol pour des problèmes techniques. A titre d'exemple, changer un réacteur d'un Su-30MKI prendrait plusieurs jours, ce qui semble quand même beaucoup, ils ont été récemment cloués au sol après un problème au niveau des sièges éjectables, et les relations entre les russes et les indiens sont tendues, car les russes ne veulent pas prendre en charge et ne veulent pas entendre parler des erreurs qui auraient pu être commises par les indiens lors de la fabrication des Su-30MKI.
Pour rappel, en Janvier 2012, le GIE Rafale, composé de Dassault Aviation, Thales et Snecma, a entamé des négociations exclusives avec l'avionneur indien Hindustan Aeronautics (HAL) portant sur la livraison de 126 appareils, dont 108 seront / auraient été assemblés HAL.