Nous sommes dans une période faste de l'aviation. En 1956, il semblait que dans la course à la vitesse, les records tombaient les uns après les autres. Les vols supersoniques avaient débutés à peine dix ans plus tôt, apportant de nouveaux défis aux pilotes et ingénieurs, mais également d'autres dangers.
En 1952, Grumman Aircraft lança une étude de faisabilité quant à l'amélioration de l'aérodynamique de son F9F Cougar à l'aide des dernières évolutions du domaine (Loi des Aires notamment). L'objectif était de réduire la traînée transsonique et envisager des vols supersoniques.
Un an plus tard, l'étude était terminée. L'appareil avaient vu ses ailes complètement redessinées, abandonnant les ailerons au profit de spoilers dans le contrôle du roulis, et équipées de becs de bord d'attaque afin d'améliorer les manœuvres à basses vitesses.
Dans un objectif de gain d'espace sur les porte-avions, les ailes étaient repliables.
Propulsé par un turboréacteur Wright J65-W-18 (une production sous licence de l'Armstrong Siddeley Sapphire britannique) qui donnait 4780 kg de poussée avec postcombustion, l'avion était capable d'atteindre Mach 1,1 à 35 000 pieds.
Cette nouvelle version était pourvue de 4 points d'emports pour des missiles air-air AIM-9 Sidewinder, et armée de 4 canons Colt Mark-12 de 20 millimètres, alimentés chacun à 125 coups.
Le 21 septembre 1956, Thomas W. Attridge JR., 33 ans, pilote d'essais chez Grumman, pris le F11F Tiger BuNo 138620 pour un vol d'essais au-dessus de l'océan Atlantique. Père de 3 enfants et vétéran de la Navy, Attridge était habitué aux survols maritimes.
Cette sortie d'essais de l'armement de bord était ainsi une tâche de routine pour lui. Et puis, tirer sur la surface de l'océan serait une bonne façon de finir la semaine !
Né en 1923 dans le New Jersey, fils d'un pasteur Irlandais, Attridge est diplômé de la Philips Exceter Academy en 1942. Souhaitant piloter, il s'engage dans la Navy. Le jeune pilote est affecté à la VF-21 qui vole sur Hellcat, à bord de l'USS Belleau Wood (CVL-24), croisant dans le Pacifique. En Juin 1944, l'unité réalise des missions de support aérien sur Guam, suivis de frappes sur Palau et les Philippines. En octobre, les pilotes de la VF-21 lancent les frappes sur Okinawa, Formisa, Luzon et Leyte. Ces derniers attaquent également les bâtiments de la flotte japonaise du Nord, constituée de quatre porte-avions, et de deux cuirassés et de multiples croiseurs et destroyers.
Revenons à notre essai en vol...
Volant à 20.000 pieds au-dessus du champ de tir désigné lors du briefing, à environ 20 miles des côtes Atlantiques, Attridge entame un piqué afin de tester les canons du Tiger. Pour cela, il tire une courte rafale de 4 secondes à 13.000 pieds, éjectant au passage environ 70 coups. Enclenchant la postcombustion, il cesse son tir. Maintenant, il engage un second piqué , cette fois plus prononcé. Il fait encore feu des armes de bord, cette fois à 7.000 pieds. Juste après cette seconde rafale de 4 secondes, sa machine eu des ratées. Le Tiger a été touché et le pare-brise enfoncé vers l'avant.
Pensant à une collision aviaire, pourtant peu probable au-dessus de l'océan, le pilote réduisit sa vitesse à 200 nœuds et chercha à regagner le terrain : la base Grumman sur la Peconic River, près de Calverton, New York.
Il avertit la tour de Long Island que les seuls dommages qu'il pouvait observer étaient le pare-brise ainsi qu'une entaille importante sur le côté extérieur de la lèvre de l'entrée d'air droite. Plus inquiétant encore, le pilote ne pouvait pas afficher plus de 78 % de la puissance disponible du moteur sans que celui-ci ne s'emballe.
Mais avec pourtant 2 miles à parcourir à basse altitude, handicapé par une traînée important, Attridge conclut qu'avec son taux de descente actuel, il ne pourrait pas rejoindre la base. A chaque fois qu'il essayait d'augmenter la puissance moteur à plus de 78 %, ce dernier manifestait son mécontentement par un bruit, que l'employé de Grumman décrivit comme : « un aspirateur qu'on utiliserai pour nettoyer un tapis de gravier ».
Finalement, le moteur s'arrêta à seulement un demi-mile de la piste ! Attridge rentra le train du Tiger pour tenter un atterrissage sur le ventre. Rappant la cime des arbres lors de la descente de l'appareil, l'aile droite se déchira. Le carburant stocké dans cette dernière se répandit. Le choc avec le sol fut terrible et la machine creusa un sillon de 300 pieds de long avant de s'immobiliser. Le carburant s'enflamma, chauffant fortement les obus restant dans le fuselage qui commencèrent à partir dans tous les sens [NDLR : la mise à feu des obus ou munitions restant à bord d'un appareil crashé était très courante à l'époque. La chaleur de l'incendie chauffait la poudre contenue, ce qui faisait partir les munitions. Aujourd'hui, des sécurités et la chime de la poudre empêchent ce phénomène].
Souffrant d'une jambe cassée et de 3 vertèbres déplacées, le pilote réussi à s'extraire du cockpit après avoir coupé les lanières de son radeau de survie PK-2. Un hélicoptère Sikorsky S-58, abîma les pales de son rotor sur les arbres environnants en récupérant le pilote d'essais sur le site du crash. Attridge fut emmené au Central Suffolk Hospital, près de la ville de Riverhead, afin d'y être soigné. Il y restera deux semaines avant d'être transféré à Manhasset, plus proche de son domicile et de sa famille.
L'enquête menée après le crash du Tiger permis de découvrir qu'Attridge ne rencontra aucun oiseau. Bien plus surprenant, on appris que le pilote a rattrapé et heurté ses propres obus ! Un projectile inerte de 20 mm, typique de ceux utilisés à l'entraînement, a touché son pare-brise. Un autre l'entrée d'air droite et un troisième a perforé le nez de son avion. La conduite d'entrée d'air menant au moteur fut aussi abîmée, et un obus fut retrouvé logé dans le premier étage du compresseur.
Si les munitions avaient été « bonnes de guerre », c'est-à-dire explosives, Attridge n'aurait probablement pas survécu.
Selon l'Amiral William Schoech, second du Bureau of Aeronautics for Research and Development, la vitesse initiale des obus est 3.000 pieds par seconde. Leur vitesse dans l'air, c'est à dire leur vitesse en sortie de canon ajoutée à celle de l'avion était d'environ 4.300 pieds par seconde : « C'est plus de 2.000 miles par heure, mais cette vitesse chuta rapidement, du fait de la résistance de l'air. L'appareil volait à 880 miles par heure lors des passes de tir, soit 100 miles à l'heure de plus que la vitesse du son ».
Si le Tiger avait conservé son cap initial, il aurait dépassé ses propres obus. Cependant, le fort piqué le fit intercepter ces derniers en bas de courbure de leur trajectoire. Quand il les frappa, ils se déplaçaient si lentement que le pilote les doubla sans s'en apercevoir. A ce moment-là du piqué, l'avion volait presque aussi vite qu'un projectile en sortie de canon.
Le Vice-Amiral William V. Davis, chef adjoint des opérations aéronavales, raconta l'histoire du surprenant, mais non moins réel, accident lors d'une conférence devant l'Association des écrivains de l'aviation au National Press Club à Washington DC, près de cinq semaines après qu'il eu lieu.
A la suite de cet incident, la Navy conseilla à ses pilotes de jets de virer, ou bien de grimper, après le tir de chaque rafale de canon. Malgré ceux qui disaient que « c'est un shoot à une chance sur un million ».
Néanmoins, Attridge n'était pas d'accord : « Aux vitesses où nous volons aujourd'hui, cela pourrait arriver dans n'importe quelle situation».
Le pilote d'essais continua à travailler pour Grumman et revola moins de 6 mois plus tard. Après quoi, il devint le chef de projet du LEM-3, le premier module lunaire conçu pour le vol habité. Il vola aussi en tant que « Spider » avec l'équipage d'Apollo 9. Il pris sa retraite en 1997, après être devenu vice-président de Grumman Ecosystems. Nous devons de nombreuses avancées à cette branche de l'avionneur telles que les caméras digitales.
Le 20 juin 1973, Pete Purvis, autre pilote de chez Grumman, volait dans un F-14 au-dessus de la Californie, lorsqu'il fut touché par son propre AIM-7E Sparrow (un missile à guidage radar semi-actif). En effet, un dysfonctionnement eu lieu lors du lancement et le missile cabra, perforant un des réservoirs de carburant du Tomcat. Après avoir perdu le contrôle, Purvis et son navigateur, William Sherman, s'éjectèrent avec succès.
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Texte traduit de l'anglais par Quentin DGE, et tiré du site Check-six.com.